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Le lavoir municipal

Depuis des temps immémoriaux, la lessive s’est faite autour d’un point d’eau vive équipé d’une planche ou d’une pierre plate inclinée pour travailler et battre le linge sans abri, là où l’accès était possible : mare, ruisseau, fontaine, ….


La corvée de la lessive était, sans conteste, dévolue aux femmes avec le rituel périodique de la brouette et de seaux débordant de linge.


Après la révolution, le lavoir permit l’usage gratuit de l’eau pour tous.


Mais laver le linge n’était pas facile dans les villes, maisons et fermes alors sans eau courante. De fait, on entassait le linge sale qui ne pouvait plus être mis en l’état pour faire de grandes  lessives avec le gros linge, seulement une ou deux fois l’an au printemps et à l'automne : la bugade. Ce principe n’était alors pas vu comme un facteur de propagation de maladies. Le petit linge, tel que les dessous, les chemises, etc., était lessivé et lavé plus régulièrement.


Certaines familles faisaient appel à des laveuses ou bugadières itinérantes, circulant d’un village à l’autre, mais cela s’est peu à peu perdu.


Longtemps la lessive s'est faite au bord d’un point d’eau ou de certains cours d’eau pouvant également présenter en amont des rejets divers (industriels, purin, …).

A la fin du XVIIIème siècle, une volonté d’accroître l’hygiène notamment en milieu rural a impulsé les premières constructions de lavoirs, municipaux ou privés.


Dans ce contexte, fin 1782, à Vacquiers la communauté a fait valoir qu’elle devait entreprendre des dépenses pour la construction d’une fontaine avec un lavoir pour les lessives et un abreuvoir pour les bestiaux. Au début du XIXème siècle, une fontaine au débit constant fut choisie comme site approprié en bas du village.

Un premier lavoir rudimentaire y fut installé, alimenté par l’eau captée de la source, ainsi qu’un puits nommé le puits de la fontaine.  

L’ensemble était maçonné en briques avec un accès au puits d’un côté et à la fontaine et au lavoir de l’autre. La forme générale s’apparentait à une sorte de petite tour carrée en briques, coiffée d’un toit arrondi et d’un avant-toit crénelé. Un bassin servait de lavoir mais aussi parfois d’abreuvoir. 

Un lavoir est alors un bassin alimenté en eau provenant généralement d’une source qui a pour vocation première de permettre de faire tremper le linge, de le laver, puis de le rincer. Il est le plus souvent public, gratuit ou payant selon les communes, mais peut être privé, attaché à une seule maison ou une seule ferme et pouvant être mis à la disposition de voisins moyennant une redevance.

Les épidémies de choléra, de variole et de typhoïde incitent le Parlement à voter la loi du 3 février 1851 qui accorde un crédit spécial aux municipalités pour subventionner, à hauteur de 30 %, la construction de lavoirs couverts et prévoit que c'est au lavoir commun que la laveuse trouvera une distribution commode d'eau et des appareils de séchage lui permettant une économie de temps, le tout afin de lui éviter d'effectuer le blanchissage dans l'habitation.

A Vacquiers, le choix se porta sur un ouvrage rappelant l’architecture régionale et, en 1862, la municipalité de Vacquiers entreprit des travaux et donna au lavoir municipal son aspect actuel.


L’ouvrage précédent, puits et fontaine, fut intégré au projet mais en rognant la partie supérieure. Le chemin de Potevin, fort pentu, permettait de descendre de l’église au lavoir car Vacquiers Haut était alors le centre du village.


Sa construction fut réalisée en briques avec charpente en bois portant un toit peu pentu en tuiles de pays, soutenu par des piliers de briques et de bois. Le village étant modeste, les seuls embellissements du lavoir sont l’habillage de l’édifice de la fontaine par un mur de briques et une découpe sur le bout des chevrons.

 

Cependant l’hommage au dur labeur des lavandières a été respecté par l’ajout, à chaque extrémité du mur nord, d’un monolithe en pierre blanche taillée et dressé vers le ciel. 


Au sud, deux pierres blanches taillées, de type bornes, délimitaient la parcelle dédiée au lavoir. Elles ont été déplacées au pied des piliers sud du lavoir.


Ainsi, les fonctions premières étaient parfaitement respectées, tant pour les lavandières que pour les animaux : disposer d'eau claire dans les bacs de trempage, de lavage, de rinçage mais aussi d’un large abreuvoir et être à l’abri (les lessives pouvaient ainsi avoir lieu quand le temps ne permettait pas le travail dans les champs).


Sur la commune existaient aussi d'autres lieux de lavage du linge autour des puits, dans des ruisseaux et dans des mares qui furent, pour la plupart, comblées au XXème siècle.


Le lavoir de Vacquiers, alimenté par l’eau d’une source, est composé des éléments suivants :

 

·       La fontaine et son bac où arrive l’eau fraîche qui est, à ce stade, propre et utilisable pour tout besoin. Elle coule du bâti originel de l’ancien lavoir par débord du puits dont l’accès se situe à l’opposé, au nord. Par sécurité, son accès est verrouillé.

·       Une rigole traversant le lavoir alimente l’abreuvoir de la même eau claire.

·       Deux bassins de trempage de part et d’autre de la fontaine, alimentés par débord du bac de la fontaine ; le bac de trempage de gauche dispose sur son extérieur de pierres de travail pour dégrossir et battre le linge le plus sale.

·       Deux paires de bassins :

- en amont, les rinçoirs où étaient enlevées les impuretés du linge en le savonnant (au savon de Marseille), le brossant et le battant pour en extirper la saleté. L’un de ces rinçoirs dispose sur son extérieur d’une nouvelle pierre de travail.

- en aval, les lavoirs où le linge blanc était plongé dans de l’eau claire froide contenant du « bleu d’azur » (pastille d’un produit bleu enfermée dans un morceau d’étoffe destiné à blanchir le linge), et enfin essoré.

·       Un égouttoir était probablement disponible sous forme de barres en bois, suspendues aux piliers ou aux poutres, pour mettre le linge à égoutter avant de l’étendre pour séchage.

·       Des bancs en pierre, en périmètre du lavoir, servant à poser le linge propre et les effets des blanchisseuses.

·       L’accès au lavoir se faisait de chaque côté où subsistent les marches et un dallage aux abords du bassin qui permettait de nettoyer facilement les lieux. C’est aussi là que les lavandières s’agenouillaient dans un caisson en bois rempli de paille pour trouver leur position de travail.

·       Les bancs de lavage, inclinés vers le bassin, pour battre le linge ont semble-t-il disparu lors de travaux de réhabilitation, à moins que le battage du linge ne se soit fait sur le rebord des bacs de lavage.

·       L’abreuvoir est assez large pour qu’une dizaine de bêtes puisse boire de concert.

·       De chaque côté du mur nord, se trouvent deux pierres blanches taillées, hommage dit-on, au pénible travail des lavandières.

·       Le trop plein des bacs du lavoir est évacué en aval.

·       Un saule a été planté pour ombrager le lavoir l’été.


Avant de la terminer au lavoir, la lessive pouvait se faire dans de grands chaudrons d’eau chaude et de cendre de bois, en évitant celle de chêne et de châtaignier pour ne pas tâcher le linge. 

Dans la région, certaines lavandières utilisaient des racines de saponaire pour assouplir le linge et des rhizomes d'iris pour parfumer la lessive.


Le lavoir n’était pas seulement un bâtiment où les femmes lavaient leur linge, il était un espace public ouvert, rempli de vie. C'était un important lieu social dans le village : lieu de vie convivial réservé aux femmes, elles y échangeaient des conversations loin des maris et des pères… tel l’équivalent du café du village pour les hommes.  Il se disait qu’il était le journal du village,

parfois réputé comme un lieu de médisance où l’on blanchissait le linge tout en salissant les gens.

Il était cependant un lieu de solidarité et d’entraide ne serait-ce que pour tordre les draps à deux afin de les essorer ou pour partager la tâche pour la rendre plus supportable.

Après la seconde guerre mondiale, nombre de maisons se sont équipées de lessiveuses galvanisées et de pompes électriques dans le puits pour donner de l’eau courante dans leur cuisine ou en autres points de l’habitation.


Avec l’arrivée de l’adduction d’eau dans les maisons en 1961 à Vacquiers, les foyers se sont équipés de bacs en ciment pour faciliter la lessive. Puis au début des années 70, les machines à laver ont mis fin à la pénible tâche de la lessive et ont provoqué l’abandon du lavoir.

 

Le lavoir municipal fait désormais partie du patrimoine du village et est l’objet de travaux d’entretien réguliers, même s’il n’offre désormais qu’un site bucolique. C'est en 2004 qu'un chantier d’insertion par le travail a permis de donner l’aspect actuel au lavoir et à son environnement.

Il est désormais possible, lors d’un pique-nique à proximité, d’y entendre des grenouilles.


Sa source ne s’est jamais tarie, y compris durant les années de canicule.

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